Originaire de la région de la région de Trois-Rivières au Québec, Nicole Leblanc est la dernière d’une famille de 13 enfants. Cette jeune retraitée s’engage auprès de personnes âgées de sa région de Kelowna depuis une vingtaine d’années. Une conversation avec elle permet de jeter une lumière toute fraîche sur les amitiés intergénérationnelles.
« Ce sont mes amies. Les personnes que je côtoie ont, au fond, le même âge que mes frères et mes sœurs. J’ai de l’écoute, je me le fait dire. Les personnes âgées aiment ça être écoutées », commence la principale intéressée. Pour elle, l’écoute est la principale clé lorsque vient le temps de côtoyer des personnes plus âgées. « Elles aiment écouter notre point de vue à nous, mais elles sont plus lentes. Avoir de l’écoute, c’est de laisser le temps faire les choses et laisser les gens parler, être capable de prendre le temps. » Mais comment est-ce que cette ancienne employée du Centre culturel francophone de l’Okanagan en est-elle venue à s’investir autant dans la vie de personnes en perte de mobilité ? « J’ai travaillé au Centre culturel francophone de l'Okanagan pendant près de 17 ans. On rencontre beaucoup de gens, et j’ai appris à les connaître, à les suivre », répond Nicole Leblanc. Comme elle l’exprime, de vraies amitiés se forment dans un centre culturel. « Au départ, ça a beau être une relation professionnelle, on finit par développer des sentiments et prendre conscience des besoins de ces personnes qui vieillissent, comme aller faire l’épicerie ou aller chez le médecin. Mais il y a aussi des besoins humains auxquels on doit répondre »
Nicole Leblanc jette un regard assez cru sur la réalité de la vieillesse. « On a beau parler de personnes âgées, ce sont des personnes en premier. Elles se voient toujours à leur meilleur, elles s’imaginent toujours à la fleur de l’âge. Sauf qu’elles deviennent de plus en plus isolées en vieillissant. » Elle parle notamment des personnes de 75 ans et plus, en perte d’autonomie physique. « Elles sont souvent mises à l’écart. Probablement pas consciemment. C’est que leurs proches meurent avant elles (amis, famille, nièce, etc.) ou déménagent, et il devient toujours plus difficile de se faire des amis… »
« La biodiversité est à la mode, on doit respecter celle des plantes, des insectes, de la nature… Mais on doit aussi respecter celle de l’humain. Avoir un contact avec des personnes plus âgées donne une perspective nouvelle. » - Nicole Leblanc
Besoin de biodiversité humaine
Comme plusieurs personnes le remarquent, donner de son temps aux autres, de façon bénévole, est souvent gratifiant, et on en retire de l’amitié. Or, pour Nicole Leblanc, lorsqu’on parle d’amitié, on oublie souvent le concept de biodiversité humaine. « La biodiversité est à la mode, on doit respecter celle des plantes, des insectes, de la nature… Mais on doit aussi respecter celle de l’humain. Avoir un contact avec des personnes plus âgées donne une perspective nouvelle », observe-t-elle. La Kelownoise donne en exemple les gens qui admettent envisager la mort avec effroi, voire avec anxiété. « Faites vous des amis qui sont près de la mort et vous verrez votre anxiété s’envoler. Dans la vie, on n’a pas besoin d’être toujours avec des gens qui sont pareils à nous, ça sert à quoi ? C’est quoi l’intérêt ? C’est très rafraîchissant d’être amis avec des personnes aînées. »
Dans le même ordre d’idées, Nicole Leblanc martèle que les personnes aînées ne se voient pas vieilles. « C’est aussi rafraîchissant de voir que ces personnes qui sont ridées et qui ont de la difficulté à marcher ont elles aussi déjà eu 20 ans, qu’elles ont déjà été de fières combattantes fortes. Surtout pour nous les femmes, c’est fascinant de voir ce qu’elles ont fait au siècle dernier. Ces femmes qui ont changé les choses, elles ont encore et toujours l’esprit combatif; même toutes frêles, elles ne se laissent pas marcher sur les pieds! » Elle ajoute que ces femmes plus âgées vous donnent toujours l’heure juste. « Ces femmes-là n’ont pas de temps à perdre, elles ne sont pas méchantes, mais elles sont franches et honnêtes. Cela dit, elles prennent leur temps, physiquement. » Selon les dires de Nicole Leblanc, quand on prend le temps de marcher lentement, on remarque d’autres choses dans les parcs et les rues, des choses qu’on ne prend pas le temps d’apprécier lorsque l’on marche rapidement. Très candidement, Nicole Leblanc estime ne pas avoir de conseils à donner pour convaincre les autres de s’engager envers les personnes âgées ou en perte d’autonomie. « Pour moi, s’engager pour s'engager, c’est vide de sens. Je préfère me faire des amis. C’est une relation à double sens. »
Francophonie intergénérationnelle
En terminant, la principale intéressée mentionne son attachement à la francophonie d’une façon qui permet de comprendre que la culture ne fait qu’un avec la langue. « Mon amie Paulette m'a dit un jour qu’elle aimerait manger une galette comme le vieil avare de la radio. Ce personnage, pour moi, il était en noir et blanc à télévision et s’appelait Séraphin. De nos jours, on peut le voir en couleurs à la télévision et au cinéma, et peut-être qu’un jour on pourra le voir en réalité augmentée. » Pour elle, il est plus facile de communiquer avec des gens qui ont la même langue, et ce, grâce aux références culturelles qui transcendent les générations.